Peindre avec des bactéries 🌱 avec Maria Penil Cobo
Créer des toiles qui évoluent et se désagrègent lorsque les bactéries meurent.
Maria Penil Cobo est artiste-peintre. Contrairement à la vaste majorité de ses pairs, elle peint à l’aveugle. Ou presque. Lorsqu’elle applique les couleurs sur sa toile, il lui faut patienter parfois plusieurs jours avant que celles-ci n’apparaissent.
Révisé 8 juillet 2020
Des bactéries pour pigments
Cobo travaille dans un Biolab en Nouvelle-Angleterre. Les « pigments » qu’elle utilise sont en réalité des bactéries.
À titre d’exemple, la réalisation d’une copie d'Ophélie, du peintre John Everett Millais, un tableau peint en 1851.
La palette de bactéries utilisée par Jo Wonder—une collection connue sous le nom de C. MOULD—inclue une cinquantaine de souches de bactéries et de champignons qui créent non seulement autant de couleurs et de teintes, mais aussi des variations de textures et d’effets lumineux. Il est possible, par exemple, de produire un effet de brillance en utilisant la bactérie Cupriavidus metallidurans souche CH34 qui sous l’effet d’un enzyme précipite le chlorure aurique et crée un effet de brillance dorée.
Cette technique picturale singulière exige le recours à des outils spécifiques—ses anses à inoculer, par exemple, un instrument utilisé couramment en microbiologie pour manipuler les souches bactérielles—nécessite une gestion du temps précise afin de s’assurer que les différentes souches parviennent à maturité en même temps. Ensuite, progressivement, les toiles évoluent et se désagrègent lorsque les bactéries meurent.
Plusieurs courants en art sont représentés.
L’art figuratif, basé sur des règles de représentation et de reconstitution les plus fidèles possible de la réalité. Ces oeuvres, bien que figuratives, sont toutefois sujettes à d’inévitables modifications dues à l’évolution des bactéries.
L’art abstrait, qui repose sur des motifs aléatoires créés par les colonies de bactéries au fil du temps. Peut-être doit-on alors parler de co-création.
Enfin l’art conceptuel. Par exemple, l’oeuvre conceptuelle de François-Joseph Lapointe, professeur de biologie à l’Université de Montréal, qui réalise des selfies de son microbiome. Dans une performance récente réalisée à Berlin, le microbiome du professeur Lapointe s’est sans cesse transformé au fur et à mesure qu’il serrait la main de ses interlocuteurs. À intervalles réguliers, des prélèvements furent réalisés et leur ADN analysé. Le projet visait à démontrer comment nous nous transformons au contact des autres.
Envie de tenter l’expérience ?
DÉCOUVREZ L’EXERCICE No. 37
Faites jouer l’aléatoire.
Références:
Madhusoodanan, Jyoti. Petri palettes createmicrobial masterpieces. 11056–11058 | PNAS | October 4, 2016 | vol. 113 | no. 40.
http://bio.umontreal.ca/repertoire-departement/vue/lapointe-francois-joseph/
Réfléchir avec l'œuvre de Han Kang, lauréate du Prix Nobel de littérature 2024, qui explore la nature comme reflet de nos traumatismes personnels et collectifs.